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Chronique d’une époque

Ce film, je ne savais pas si j’avais envie de le voir. J’avais volontairement évité de lire les critiques. Je savais tout juste qu’on y parlait d’Act Up et que le film avait eu un gros succès à Cannes. Je ne saurais pas expliquer pourquoi mais tout ce qui suscite l’approbation générale a tendance à me faire douter. Peut-être est-ce tout simplement la peur de ne pas aimer et de me sentir un peu bête de ça.

Bref, je suis allée le voir au cinéma un lundi soir, après déjà plusieurs semaines de sortie. La salle était pleine, signe que le succès se maintenait sur la distance. Le film commence et j’ai tout de suite apprécié ce souci de pédagogie : sous prétexte de décrire l’association à des nouveaux adhérents, un des personnages la présente au public simplement. En quelques mots, en quelques dates, il retrace l’ambition d’Act Up, ses modes d’actions et les raisons de cette approche qu’on pourrait qualifier d’agressive. Cette pédagogie initiale m’a plu. On était dans le concret.

Et je crois que c’est la force du film. En tout cas, c’est par là, par ce concret, que ce film m’a bouleversée. On est au cinéma, c’est un fait. Les situations sont magnifiées, évidemment. L’image est belle et il y a quelques séquences du film qui tirent pour moi leur existence de leur seule beauté et tant mieux. Mais ce qui m’a émue n’est pas là.

Dans ce film les gens militent, violemment et avec humour, intensément et avec des chorégraphies de pom pom girls. Mais surtout, ils sont malades. Et s’ils ne le sont pas, le sida n’est pas loin. Chez un ex, un ami, un amoureux. Et c’est là où je voudrais reprendre le mot de concret (d’ailleurs plus que celui de réel). La maladie est là, elle est concrètement là. Elle ne plane pas comme une ombre dangereuse et inquiétante. Non, elle est là. Simplement.

Alors on met des capotes, même si on aimerait mieux faire sans. Alors on s’embrasse à pleine bouche pour prouver qu’on n’attrape pas le Sida par un baiser. Alors on s’effrite peu à peu. Alors parfois on meurt. Et on meurt vraiment. Concrètement. Avec ce que cela implique d’horreur, de souffrance, de regard vide qu’on ne veut pas croiser et de litres de cafés avalés avec ceux qui viennent dire adieu.

Ce film enseigne, ce film provoque mais surtout ce film montre une réalité. Sans se cacher. C’est dur, inévitablement mais c’est beau. J’ai pleuré 20 min sans m’interrompre (désolée les voisins de ciné), j’ai mis plus de 24h à me remettre de ce film, mais j’ai aimé. Profondément.