Etre normale

C’est quoi être normale ?

“Mais moi c’est mon rêve d’être normale !” Voilà ce qu’elle m’a dit, et voilà le départ de ma réflexion. C’est vrai, elle et moi on a fait des études dites prestigieuses, on était vouées – nous disait-on – à des destins exceptionnels et on a vécu certains échecs comme des drames, comme des preuves de notre médiocrité. C’est vrai que c’est médiocre de rater l’agrégation de philosophie ou de finalement décider de ne pas faire de thèse… Pauvres de nous.

“Moi mon rêve c’est d’être normale, c’est-à-dire d’avoir un métier qui me plaise sans être la plus grande chercheuse du monde, c’est d’avoir un mari, des enfants, une maison, une voiture, un chat.” Voilà ce qu’elle voulait me dire. Et par là, c’était une manière de crier l’envie de ce que souvent on présente comme une banalité. Et j’avoue, je le pense encore parfois. C’est banal de ne pas être exceptionnel. Tristitude.

Et en même temps je trouvais ça si beau, cette envie du banal. D’un banal qui lorsqu’on ne le vit pas deviendrait presque exceptionnel. Ce normal qui ne l’est que parce qu’il appartient au quotidien de celui ou celle qui l’a.

Et il y a eu cette autre conversation avec une autre. Je lui expliquais cette envie de normal, ce désir de banal et elle n’a pas compris. Elle me reprenait à chaque phrase en me disant en quoi c’est normal ? En quoi ce n’est pas normal ? En quoi c’est normal et pas exceptionnel d’avoir un métier, un mari, un enfant, une voiture… Et je n’ai pas su répondre. Bloquée dans des évidences impossibles à expliquer. Mais je crois que ça y est, j’ai trouvé. C’est normal parce que “tout le monde le fait”. Et c’est là que j’ai compris que j’avais tort. Derrière normal, il y a “comme tout le monde”. Comme si l’exceptionnel ne sortait que de l’exception. Même si derrière “comme tout le monde” il y a juste une majorité, celle qu’on voit, celle qu’on érige comme la norme. Pas le banal.

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